La société est-elle injuste parce que nous manquons de compassion ? Rousseau - Extrait et questions

Modifié par Estelledurand

Dans son Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, Rousseau, philosophe français des Lumières, se demande d’où viennent les inégalités et les conflits qu’on observe dans la société.

Est-ce l’égoïsme et la cruauté des hommes qui engendrent les inégalités et les conflits, ou au contraire est-ce la société qui favorise leur apparition ?

Dans les deux extraits ci-dessous, il présente son point de vue sur l'importance de la compassion pour les hommes et dans la société.


Extrait 1 :

Je parle de la pitié, […] vertu d'autant plus universelle et d'autant plus utile à l'homme qu'elle précède en lui l'usage de toute réflexion, et si naturelle que les bêtes mêmes en donnent quelquefois des signes sensibles. Sans parler de la tendresse des mères pour leurs petits, et des périls qu'elles bravent pour les en garantir, on observe tous les jours la répugnance* qu'ont les chevaux à fouler aux pieds un corps vivant ; un animal ne passe point sans inquiétude auprès d'un animal mort de son espèce ; il y en a même qui leur donnent une sorte de sépulture ; et les tristes mugissements du bétail entrant dans une boucherie annoncent l'impression qu'il reçoit de l'horrible spectacle qui le frappe. […] Il est donc certain que la pitié est un sentiment naturel, qui, modérant* dans chaque individu l'activité de l'amour de soi-même, concourt à la conservation mutuelle de toute l'espèce.

Jean-Jacques ROUSSEAU, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1755), première partie, GF-Flammarion, Paris, 2008, p. 95-98.

* répugnance : écœurement, dégoût.
* modérant : diminuant son intensité, atténuant sa force.


Questions :

1. En vous appuyant sur le texte, définissez ce qu’est la "pitié" selon Rousseau.

2. Quels arguments l’auteur donne-t-il pour nous convaincre que la pitié est naturelle ? Soulignez les expressions importantes.


Extrait 2 :

Chacun commença [dans la société] à regarder les autres et à vouloir être regardé soi-même, et l'estime publi­que eut un prix. Celui qui chantait ou dansait le mieux ; le plus beau, le plus fort, le plus adroit ou le plus éloquent devint le plus considéré, et ce fut là le premier pas vers l'inégalité, et vers le vice en même temps : de ces premières préférences naqui­rent d'un côté la vanité et le mépris, de l'autre la honte et l'envie* […].

Sitôt que les hommes eurent commencé à s'apprécier* mutuellement et que l'idée de la considération* fut formée dans leur esprit, chacun prétendit y avoir droit […]. De là […] tout tort volontaire devint un outrage*, parce qu'avec le mal qui résultait de l'injure, l'offensé y voyait le mépris de sa personne souvent plus insupportable que le mal même. C'est ainsi que chacun punissant le mépris qu'on lui avait témoigné d'une manière proportionnée au cas qu'il faisait de lui-même, les vengeances devinrent terribles, et les hommes sanguinaires et cruels.
Ibidem.

Jean-Jacques ROUSSEAU, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1755), Seconde partie, GF Paris 2008, p.116-117

* envie : jalousie.
* s’apprécier : se juger.
* considération : estime, respect, bonne opinion qu’on a de quelqu’un.
* outrage : injure, offense très grave qui porte atteinte à l’honneur ou à la dignité.


Questions :

1. Relevez dans l’extrait les vices qui apparaissent dans la société, selon l’auteur.

2. Quelle est, selon lui, la cause de leur apparition ? Soulignez les expressions importantes.


Réflexion :

Pensez-vous que la compassion est forcément étouffée par l'égoïsme dans la société ? Justifiez.

Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.fr
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